Dim 29 Juin - 12:48

Nivel venait tout juste de poser le pied sur le quai de bois du port de Luvneel. Sa barque de bois flottait sur les eaux calmes et limpides. C'était son premier arrêt depuis qu'il avait quitté son île natale. Les embruns lui fouettaient le visage. Le ciel s'empourprait chaque minute un peu plus, alors que l'astre solaire tombait sous la ligne d'horizon. Pendant que le crépuscule recouvrait de son voile écarlate l'île, les étoiles prenaient place, une à une, dans la voûte céleste, maintenant d'un bleu des plus profonds. Nivel avait faim, et il était fatigué. Il attacha, avec une corde de chanvre, sa barque au quai, prit sa petite valise de carton, et quitta le port pour s'aventurer dans les rues pavés.

Nombre de lumières étaient encore allumées. Les restaurants et les tavernes battaient leur plein. De la musique s'échappait de certaines fenêtres. Nivel marchait cependant sans prêter grande attention à cette agitation bourgeoise. Il cherchait un lieu où dormir. Mais il fut étonné que, malgré la prolifération de lieux de restaurations, il n'y ait pas un grand nombre d'hôtels. Ce n'est qu'après avoir arpenté les rues et les ruelles de la ville pendant une petite demi-heure qu'il trouva l'objet de son bonheur. Au coin d'une rue, un minuscule bâtiment de brique rouge, qu'il n'aurait sans doute pas remarqué si il ne le cherchait pas, semblait l'attendre à bras ouverts. Nivel s'en approcha, et lut sur un petit écriteau de bois, accroché à la porte en chêne : « Auberge du Poney Ivre ». Bien que le nom de l'établissement ne soit pas fameux, il fit confiance à la façade, beaucoup plus attrayante, et pénétra dans la maisonnette.

Instantanément, une odeur de tabac vint lui chatouiller les narines. Et pour cause, l'unique salle était entièrement enfumée. Des vapeurs grises créaient une sorte de brouillard épais dans lequel se déplacer était assez compliqué. Nivel réussit cependant à parvenir, à taton, jusqu'à un comptoir de bois, en ayant à moitié craché ses poumons en chemin. Il distingua la silhouette d'un homme en face de lui. Alors, d'une voix étrangement rauque, il demanda :

« Pourrais-je avoir une chambre s'il vous plaît ? »

La personne en face de lui souffla, dispersant la fumée qui cachait son visage. Nivel fut alors surpris de constater que la personne en question était une femme. Cheveux roux serrés en un épais chignon, nez épais et boutonneux, visage rond et vaguement féminin, tel était le portrait de la logeuse. D'une voix rocailleuse, et lui répondit :

« Bien sûr. Il suffit de demander. Vous payez d'avance. »

Croyant d'abord qu'il s'agissait d'un question, Nivel attendit la suite. Mais il n'y en eut pas. Avec son flegme habituel, bien qu'il fut assez dérangé par un grand nombre de facteurs à l'heure actuel, il sortit de sa poche une bourse de cuir, de laquelle il prit une poignée de pièces d'argent. Les écus tintèrent sur le comptoir de bois. La logeuse les examina scrupuleusement pendant une petite minute, puis les prit et les glissa dans son tablier sale. Elle se retourna ensuite, et saisit une petite clé d'argent, qu'elle tendit à Nivel.

« Chambre treize, premier étage. »

Nivel ne dit rien, et se dirigea vers la silhouette embrumée des escaliers. Lorsqu'il eut gravi quelques marches, l'air devint plus respirable. Il inspira profondément, et remplie ses poumons d'un air sain et pur. Il arriva en haut des escaliers, dans un petit couloir. Il le traversa, marchant sur un tapis de moquette rouge, jusqu'à arriver devant la porte marquée du numéro treize. Il inséra sa clé dans la serrure, la tourna, et pénétra dans la chambre.

Cette dernière était entièrement rose. Le couvre-lit, la tapisserie, les tapis … Nivel s'y sentit tout de suite à l'aise. Il referma la porte derrière lui, posa sa valise sur le plancher d'acajou, et s'effondra sur le lit, s'endormant instantanément.

Lorsqu'il se réveilla, ce fut à cause d'un bruit dans le couloir. Il jeta un coup d'oeil, encore endormi, vers la fenêtre, pour constater que la nuit régnait toujours sur l'île. Pestant intérieurement contre ceux qui causaient un tel tapage, il se leva mollement, et ouvrit la porte de sa chambre, pour se retrouver devant un spectacle des plus troublants.

HRP: